Lewis Carroll, de son vrai nom Charles Lutwidge Dodgson, naquit en 1832, à Daresbury, petite bourgade proche de Manchester. Son père était prêtre de l’église anglicane. Charles était le troisième enfant d’une très nombreuse famille. La majeure partie de son enfance s’écoula à Daresbury, puis à Croft, dans le Yorkshire, à partir de 1843.
On sait que Charles aimait inventer, pour ses frères et soeurs, des jeux divers, et qu’il monta notamment des spectacles de marionnettes. A douze ans, on le mit en pension à Richmond et, un an et demi plus tard, il entrait à la grande public-school de Rugby. Son séjour y fut, de son aveu, fort pénible, par suite du régime des punitions et surtout du poids de la vie collective, rendu plus lourd encore pour lui par son goût médiocre pour le sport. Il y fit de bonnes études et, après quatre ans passés à Rugby, fut admis à Oxford (Christ Church College), où il s’installa en janvier 1851 ; il devait y résider jusqu’à sa mort.
Sa mère mourut cette même année. Charles en fut très affecté,ce qui contribua peut-être à rendre plus difficile ses relations avec son père. Il travailla d’arrache-pied, sans se faire beaucoup d’amis, et obtint brillamment son diplôme de mathématiques en décembre 1854. Le collège lui accorda de ce fait, le titre de student, qui devait faire de lui ultérieurement un "membre du collège" et, d’emblée, l’équivalent d’un assistantde faculté d’aujourd’hui. En contrepartie, il s’engageait, au moins provisoirement, à devenir prêtre et à rester célibataire.
C’est à cette époquequ’il commença véritablement à écrire : d’abord des poèmes, mais aussi quelques nouvelles qui parurent dans un petit magazine, The Train, dont le directeur choisit, parmi les pseudonymesque Dodgson lui proposa, celui de Lewis Carroll (1856).Les enfants Liddell.En même temps, il se passionnait pour la photographie, encore balbutiante. C’est ainsi qu’il tira de nombreux portraits des enfants du doyen de son collège, Liddell, et s’attachaà la petite Alice. En 1862, l’année où celle-ci eut dix ans, Carroll au cours d’une promenade en barque, raconta pour la premièrefois ce qui devait devenir Alice au pays des merveilles. Quelque temps après, le texte, considérablement augmenté, fut proposé à l’éditeur MacMillan, qui l’accepta immédiatement. Illustré par John Tenniel, caricaturiste alors célèbre, le livre parut en juillet 1865. Ce fut tout de suite un grand succès et, dès 1867, Carroll envisagea une "suite" illustrée également par Tenniel : ce fut De l’autre côté du miroir (1871). En 1876 enfin, le succès de la Chasse au Snark fut presque aussi grand.
Parallèlement, Carroll poursuivait son travail de professeur et de mathématicien, mais son enseignement ne plaisait guère. Après avoir été ordonné diacre en 1861, il renonça à devenir prêtre, invoquant sa timidité et son bégaiement. Il parvint cependant à rester à Christ Church, où sa vie se déroulait calmement, malgré des conflits violents avec le doyen Liddell, inquiet d’abord de son attachement pour Alice, puis exaspéré par les pamphlets virulents - leur anonymat ne trompant personne - par lesquels Carroll le mettait en accusation avec plusieurs des autorités d’Oxford : Notes by an Oxford Chiel (1874). En 1880, il renonce à la photographie, et en 1881, à l’enseignement. Dés lors, c’est la logique qui va devenir l’objet de tous ses soucis. Certes, il publie encore une oeuvre d’imagination : Sylvie et Bruno (en deux parties, 1889 et 1893), mais l’essentiel de sa production, quoique publiée sous le nom de Lewis Carroll, marie plus ou moins heureusement logique, mathématiques et humour.
Bien que connu de tous ses collègues comme Dodgson-and-Carroll, il refusa constamment l’identification et, quelques mois à peine avant sa mort, décida de renvoyer tout courrier adressé à Lewis Carroll. Mais c’est sous ce nom qu’il se présentait aux petites filles, très nombreuses, avec lesquelles il entrait en conversation, dans le train ou sur la plage ; et c’est un exemplaire d’Alice qu’il leur laissait en cadeau - à moins que la sympathie ne grandît - prélude àdes relations plus profondes, dont une volumineuse correspondance nous en a laissé la trace. Ce fut là l’essentiel de ses amitiés,et, lorsqu’il mourut dans sa famille, le 14 janvier 1898, à l’âge de soixante-six ans, ses petites amies de toutes les régions furent, à coup sûr, les plus affectées.