Quand je me réveille, Hortense est debout, je l’entends farfouiller dans ma cuisine. Il est sept heures et demie. Elle a toujours été matinale, à cause de son boulot.
Je mets un peignoir, une culotte et la rejoint. Elle me dit :
– Tu as bien dormi ?
– Merveilleusement… je ne me souviens plus de rien.
– Tu étais dans mes bras, blottie comme un enfant.
Le chaud me monte aux joues :
– Tu m’as trouvée idiote ?
– J’ai fait la maman.
Un vague souvenir me revient. J’étais à demi sur elle, qui me tenait la tête sur sa poitrine. J’étais bien, c’était doux. J’entendais son cœur…
Elle ajoute :
– Je t’ai fait du thé, j’ai grillé du pain. Comme ta maman.
– Non, ma mère, très belle, s’est toujours fait servir. Sauf quand j’étais toute petite, c’est moi qui préparais son déjeuner.
– T’en as de la chance. Tu as tété mes seins, et maintenant je suis gentille avec toi.
J’ai honte. Je la regarde, songeuse. Elle porte la doudoune que j’ai enfilée hier et qui a causé notre folle nuit.
– Béryl, arrête de mater ma poitrine. Je n’ai pas de sout’. Point barre !
Edition999 rencontre Alfred Anchetain
Edition999 : Voici donc un cinquième épisode de votre « Belle de jour », sous le titre de « Un sac d’embrouilles ». Pourquoi donc ?
Alfred Anchetain : J’ai mis en place des personnages et des situations qui ont leur propre logique. Comme Béryl est très énergique et ambitieuse, elle ne refuse aucun challenge. Elle participe à tout ce qui se trame autour d’elle, la vente du Laboratoire (le patron prenant sa retraite) et la réunion des cliniques de la ville dans un vaste ensemble donc Albert aurait la direction.
Edition999 : Ce qui ne se fait pas sans problème.
Alfred Anchetain : Je l’ai vécu, j’en sais quelque chose. Le laboratoire travaillait sur des médicaments traditionnels et, depuis quelques années, l’Inde durcit beaucoup sa législation pour reprendre la main sur son patrimoine.
Edition999 : Ceci est vrai.
Alfred Anchetain : Forcément. Le patron voulait vendre, mais les Indiens assignent le Laboratoire pour faire valoir leurs droits, ce qui bloque les négociations. Son directeur demande à Béryl de faire un rapport, parce qu’elle connaît la mentalité indienne, qu’elle est bilingue anglais et qu’elle a fait du traitement de l’information. Ce qui excite les jalousies…
Edition999 : D’autres auraient été plus à même de le faire.
Alfred Anchetain : Surtout qu’elle est une des plus jeunes dans la boite. En plus, comme elle est hyperactive, elle bouscule toute la hiérarchie et les usages.
Edition999 : Elle le négocie au lit.
Alfred Anchetain : Béryl sait que, dès qu’on la voit, homme ou femme, on a envie de coucher avec elle. Elle ne drague jamais, elle ne se fait pas draguer non plus. Elle se retrouve là par attirance mutuelle, par calcul, ou par faiblesse.
Edition999 : Votre récit, sur le plan érotique, est assez pauvre.
Alfred Anchetain : C’est voulu. Béryl est une fille de province, élevée dans une école religieuse, avec une mère très sévère (très jolie, elle aussi, et connaît bien le problème). Elle ne cherche pas l’originalité. Elle n’a que des relations classiques, vaginales, ou des caresses, sans artifice, sex-toy ou autre (sauf exception). Elle est très excitable. Si les conditions sont bonnes, elle peut avoir un orgasme très rapidement, voire plusieurs. Elle est généreuse aussi, et veille à ce que l’autre ait son plaisir.
Edition999 : Votre récit n’a rien d’extravagant.
Alfred Anchetain : Non pas du tout. C’est la vie d’une femme très belle, très intelligente, très dynamique et qui n’a pas froid aux yeux. Les choses se font naturellement. Elle veut des sentiments et que la relation soit pleinement satisfaisante.
Edition999 : Votre texte est résolument optimiste, à l’eau de rose.
Alfred Anchetain : Non, pas du tout. Christophe, médecin et agent secret, doit accepter une mission-suicide pour négocier une sortie honorable à sa carrière militaire. Tout que je relate est vrai, l’attaque du 22 janvier 2022 au Sahel, la médecine de guerre actuelle et ses méthodes. Les textes que je cite sont authentiques. La seule chose romanesque est la présence de mon personnage dans cette affaire. Quant aux actions dont il parle, je les tire des meilleures sources. Je n’en dis pas plus, pour ne pas déflorer l’histoire, mais les choses ne se passent pas bien.
Edition999 : Vous cherchez la vraisemblance.
Alfred Anchetain : Dès lors qu’une femme (ou un homme) ne se laisse pas faire, les choses se compliquent. Ces tensions, ces problèmes, Béryl les résout efficacement, au lit. C’est, pour elle, un lieu de pouvoir, d’échange approfondi et de négociation (très) active.
Edition999 : Comment définir votre « Belle de jour » ?
Alfred Anchetain : L’histoire d’une vie, d’une fille exceptionnelle, ce qui engendre bien des problèmes. On ne tolère pas les têtes qui dépassent. De telles femmes, j’en ai connu, ce n’est pas facile.
Edition999 : Au lit ?